REACTIONS HETEROGENES SUR ET DANS LE VOLUME DE LA GLACE.
La glace est un constituant important des atmosphères terrestre et du système solaire. L'étude des interactions des espèces à sa surface et leur possible diffusion dans le volume peut modifier la composition de la phase gazeuse. Par ailleurs, la condensation à basse température de mélanges gazeux eau/espèce diluée dans des proportions définies dans un gaz porteur peut permettre d'identifier de nouvelles phases solides telles que des hydrates ou des cIathrates dans lesquels l'espèce d'intérêt peut rester piégée à une température très supérieure à sa température de sublimation. La spectroscopie IR et UV sont ici aussi de bonnes méthodes d'investigation à condition de réaliser des filmsminces.
Par ailleurs, la glace peut être un catalyseur permettant certaines réactions qui ne se font pas en phase gazeuse. Par exemple sur la glace le nitrate de chlore réagit avec l'acide chlrorhydrique pour conduire à du chlore et à de l'acide nitrique. La chimie hétérogène sur la glace encore très peu connue est donc d'un grand intérêt tant pour la recherche fondamentale que pour ses applications en astrophysique et en chimie atmosphérique. La photochimie des espèces adsorbées à la surface de la glace ou piégées dans son volume est également à prendre en compte. Outre l'effet de cage qui peut exister, les photofragments produits peuvent réagir avec les molécules d'eau du réseau de la glace et conduire à de nouvelles espèces qui peuvent désorber dans la phase gazeuse ou rester dans le volume de la glace.
Réalisation d'un réacteur hétérogène des basses températures
Ce réacteur réalisé par la société Physiméca à partir de plans originaux conçus par l'équipe est en inox d'épaisseur 3mm, poli miroir à l'intérieur pour être sous ultra vide. Son diamètre est d'environ 40 cm. Il se compose de trois niveaux comportant 16 fenêtres en 40CF et 2 fenêtres en 160CF qui permettront d'étudier simultanément le solide moléculaire et la composition de la phase gazeuse par plusieurs techniques expérimentales, spectrométrie de masse, spectroscopie infra rouge par réflexion- absorption sous un angle d'incidence à la normale de 75°, fluorescence UVV. Le substrat eau sera déposé sur une surface de cuivre recouvert d'or par une technique de jets pulsés mise au point au laboratoire et pouvant délivrer 10-7 mbar par seconde. La température de la face de dépôt peut varier de 10 à 300K grâce à un cryostat à détente Joule Thomson, mobile sur 360° et en XYZ. L'acquisition récente d'un spectrophotomètre IRTF venant s'ajouter au spectromètre de masse et au monochromateur que nous avions précédemment acquis, devrait nous permettre de terminer l'installation
Etude spectroscopique de la glace entre 10 et 160K [89]
Nous avons caractérisé spectroscopiquement par réflexion-absorption ( angle d'incidence de 5° avec la normale à la surface) de minces films de glace ˂500 nm) déposés à différentes températures, sous ultra vide sur un support recouvert d'or. Dans notre configuration, seul le mode optique transversal (TO) qui donne lieu à un moment dipolaire parallèle à la surface peut être observé. Les spectres obtenus entre 4000 et 500 cm" sont discutés. Ils permettent d'identifier les différentes phases de glace entre 10 et 160 K et leur transformation (glace amorphe haute densité, glace amorphe basse densité, glace amorphe « restreinte» et glace cubique), ces deux dernières phases coexistant de 130 K à 160 K
Spectroscopie FTIR de l'ozone solide. Etude de son interaction avec des films de glace amorphe et cristalline. [87]
L'ozone solide existe sous deux phases, l'une amorphe formée à Il K et qui reste stable jusqu'à 50K, l'autre cristalline qui sublime à partir de 61 K avec une énergie d'activation de 23 kJ.mol",
Sur la glace amorphe, deux états de l'ozone ont été mis en évidence, l'un physisorbé, l'autre chirnisorbé par formation d'une liaison hydrogène entre l'ozone et les oscillateurs OH libres résidant à la surface des pores. Seul l'état physisorbé est observé sur les surfaces de la glace cubique. A partir de 60K, l'ozone chimisorbé diffuse dans le réseau de la glace et ne sublime qu'à 150 K quand l'eau s'évapore. Ces résultats montrent que malgré le caractère dynamique des surfaces de glace des nuages polaires stratosphériques , l'eau qui se condense à 187 K ne peut pas piéger de l'ozone.
Effets de température (10-170 K) et d'irradiation à 266 nm sur des mélanges de glace et d'ozone. [88]
La découverte récente d'ozone sur les surfaces glacées des satellites de Jupiter et de Saturne nous a conduit à étudier la capacité de la glace à conserver de l'ozone à une température supérieure à son point de sublimation et à identifier ses produits de photolyse par irradiation UV.
Nous avons montré que l'échappement de l'ozone en fonction de la température se faisait en plusieurs étapes correspondant à la transformation progressive de la glace amorphe en glace cubique. L'irradiation de mélanges glace/eau avec la raie 266 nm du laser conduit à la formation de peroxyde d'hydrogène soit à partir de l'ozone chimisorbé dans les pores (transfert d'un atome d'oxygène dans le complexe 03:H20) soit à partir de l'ozone piégé dans le réseau de la glace (réaction d'un atome d'oxygène O(1D) avec une molécule d'eau). Les études cinétiques de photodissociation mettent en évidence que la recombinaison de l'atome O(3P) avec le dioxygène formé est négligeable.
Etude par spectroscopie infra-rouge du dioxyde de soufre et du diméthyl ether adsorbés sur la surface de la glace ou piégées dans son volume entre 10 et 170 K Effets d'irradiation sous 200 nm.[ 95,96, 98]
Le dioxyde de soufre a été identifié par UV sur Ganymède et Europa, deux satellites de Jupiter recouverts de glace. Le diméthyl ether (DME) et l'oxyde d'éthylène (EO) ont été identifiés par quelques raies dans le domaine des ondes radio dans la phase gazeuse du milieu interstellaire. Leurs caractéristiques spectrales dans le domaine infra-rouge et leurs interactions avec la glace sont des données essentielles pour interpréter les spectres actuels et futurs qui seront pris par satellites et aussi pour comprendre la physico-chimie très complexe ayant lieu sur les surfaces glacées des lointaines planètes et des grains du milieu interstellaires.
Deux études détaillées de l'évolution des spectres en fonction de la température, de la composition des films et du mode de déposition ont ainsi été réalisées dans le cadre des programmes PNP et PCMI obtenus.
A partir des fréquences de l'ozone, du DME, de l'EO et de SO2 dilué dans la glace amorphe à 105 K, et de celles de CO et CO2 reportées dans la littérature, nous avons pu montrer que les fréquences de ces molécules en phase gazeuse et dans
différentes matrices ou dans la glace variaient linéairement avec la racine carrée de la température critique du milieu condensé, un résultat qui suggère que l'on pourrait prédire le déplacement de fréquences en phase gazeuse des espèces d'intérêt astrophysique quand elles sont piégées dans la glace;
La photodissociation du DME et de l'EO a été trouvée semblable en phase solide ou en solution solide dans la glace. Elle conduit respectivement à H2CO + CH4 et à CH3CHO. L'irradiation de films solides de SO2 à 193 nm produit SO3 et O3 alors que dans la glace on observe H2S04. Des mécanismes ont été proposés.
Photodissociation à 266 nm du chlorure de nitryle à l 'état solide et piégé dans la glace. [97]
CINO2 est formé sur les nuages stratosphériques par la réaction de N205 gazeux avec HCI piégé dans la glace. Sa photodissociation dans ce milieu peut conduire à de nouvelles molécules dont la connaissance est indispensable pour modéliser la perte d'ozone stratosphérique.
Les caractéristiques spectrales de films de CINO2 pur ou dilué dans la glace en fonction de la température ont d'abord été étudiées. Le processus primaire de photodissociation de CINO2 pur ou dilué dans la glace conduit aux photo-fragments NO2 et CI. Dans la glace, il se produit des réactions secondaires conduisant à l'acide nitrique et à ses hydrates.
Comments